Texte de Maryvonne Lacan


“Les Auvergnats“  de San Francisco.


Il n’est pas une famille de la commune de Saillac ou de Beauregard dans le Lot qui n’ait un parent plus ou moins proche parti vers l’Amérique au tournant du 20ème siècle commençant ; il n’y a pas si longtemps on pouvait encore dire désigner tel habitant de Jamblusse occupé à labourer son champ avec ses bœufs ou son cheval et préciser «il est né à San Francisco».  On pouvait à bon droit  s’étonner : il était possible d être parti d’un lieu aussi retiré au milieu des terres - dans ces villages où l’on baptise «lac» ce qu’ailleurs on appelle une mare, être allé si loin quand on voyageait encore si lentement et même mieux encore en être revenu. 


Il est aussi resté des traces dans l’histoire des familles même quand le lien physique a disparu, qu’on a égaré les adresses, que les visages des photos dédiées «à ma cousine» ont perdu leurs noms. Il est resté aussi la marque, négative et durable, de ces départs dans ces maisons nombreuses dont l’impôt a été acquitté  par un proche de moins en moins proche au fil du temps, dont le toit souvent couvert de lauzes a fini par s’effondrer. Aujourd’hui ces maisons sont réhabilitées,  par de nouveaux venus qui ignorent leur histoire, ou bien en tout ou partie, détruites. C’est qui s’est passé  à Jamblusse devant l’église et au  Barry Bas. Parfois d’autres maisons ont pu continuer à être entretenues grâce à l’aide qu’envoyaient autrefois les émigrés, l’argent qu’ils ramenaient a pu servir à construire de nouvelles  granges ; Il est plus rare qu’un «revenant» ait traduit sa réussite par la construction d’une belle et grande maison, à la manière des Barcelonnettes, mais cela existe aussi ; alors la maison est une «villa» et même la «Villa California» pour que nul n’en ignore. Le musée de l’immigration  à New York  “Ellis Islandpermet de retrouver nombre de ces voyageurs. On peut en accédant au site internet faire une première démarche à partir d’un patronyme. Nous n’avons pas voulu faire une monographie encore moins résoudre des énigmes familiales et apporter des réponses à toutes les questions posées par cette émigration si  massive et si  précise de gens de notre région vers San Francisco dans les deux décennies qui ont précédé la 1ère guerre mondiale.  Nous  avons voulu seulement partager le plaisir que nous avions éprouvé à voir des noms si familiers apparaître à notre demande sur l’écran d’un ordinateur new yorkais , partager aussi nos questions et soumettre nos hypothèses. Revenus au pays, nantis d’un code d’accès pour le prix d’une entrée au musée, nous avons exploité autant que faire se peut le site d’Ellis Island. Chacun peut avoir une première expérience en consultant l’adresse suivante : www.ellisland.org. 


Puis nous avons patiemment  remonté les rôles des bateaux, essayé de recenser page à page les arrivants. Ce petit jeu nous a donné un peu plus de  400 noms, des âges, des métiers, l’endroit d’où ils viennent et une destination finale, parfois quelques renseignements annexes suivant les variations des exigences américaines : polygame ? anarchiste ?.... Tous – à quatre exceptions près-ont déclaré se rendre en Californie et tous à San Francisco ou ses environs proches. Nous sommes donc en présence de ce qu’on appelle une filière comme il en existe toujours entre les terres dont on part et celles  que l’on veut rejoindre  dans le monde. Il y a des précurseurs, il ya des trajets, il ya des destinations, des hébergements, il ya des conditions notamment financières qui naissent, se fixent, et peuvent s’effacer sans laisser de souvenir dès lors que naissent d’autres filières. C’est en soi une question passionnante : pourquoi eux, pourquoi là, pourquoi à ce moment, comment… ? 


Nous avons essayé de mesurer  la part de la nécessité,  celle du hasard ou de  l’opportunité saisie au vol à travers les données que nous avons pu capter sur une source bien définie, dans des limites très précisesLe musée de l’immigration à Ellis Island, du nom de son premier propriétaire, a été associé à la Statue de Liberté en 1965 par le président Johnson ; le bâtiment principal n’a été ouvert qu’en 1990. Mais toutes les installations construites pour recevoir les immigrants ont été élevées peu à peu et toute l’histoire du  site se confond avec celle du pays, de sa formation et de son peuplement. D’abord simple étendue sableuse à peine visible quand la marée est haute l’île a été fréquentée par des indiens, puis des flibustiers avant que les autorités coloniales - hollandaises d’abord - ne l’utilisent et ne l’équipent à des fins militaires pour surveiller la baie de ce qui devenait New York. 


L’île a été agrandie avec constance, on dit qu’on a utilisé en particulier les déblais abondants du chantier du métro.  Au fur et à mesure que se sont construits le pays et ses institutions l’immigration d’abord libre est passée sous le contrôle des différents Etats.  Enfin le président Benjamin Harrison en 1890 a fait d’Ellis Island le point de contrôle centralisé de l’immigration désormais règlementée par le bureau fédéral de l’immigration sous la tutelle du Secrétariat d’état au Trésor. A cette date  New York était la principale porte d’entrée du  continent qui en comptait  d’autres  d’importance  bien moindre sur la côte nord-est mais aussi dans le golfe du Mexique et assez vite sur la côte ouest après l’ouverture du canal de Panama en 1914. Les installations de la nouvelle administration fédérale  ont  ouvert leurs  portes le 1er janvier 1892. 


Nous avons longuement remonté les listes des immigrants jusqu’à cette date, à la recherche des Français parmi les centaines de passagers et parmi les Français de ceux qui semblaient venir de chez nous. L’évolution des lois régissant l’admission des étrangers a fait que ces registres s’arrêtent en 1924. Le contrôle de l’immigration a alors changé de forme et d’endroit. De surcroît  dans la nuit du 14 juin 1897 un incendie a détruit la station fédérale qui conservait  les enregistrements et c’est vraiment dommage car nous avons sans doute perdu ainsi la trace de l’entrée de certains des premiers partis, ceux qui sont des fondateurs de la filière. Par ailleurs nous ignorons  ceux qui – sans doute très peu nombreux - sont entrés par un autre port ou même par voie terrestre venant du sud,  de ceux enfin,  qui sont entrés après 1924. 


Pourtant ces faits, majeurs en ce qui concerne l’immigration européenne aux Etats-Unis dans son ensemble, ont peu d’impact ici car il se trouve que cet espace de temps - 1892-1924 -  correspond parfaitement à la vague de ceux qui venaient de chez nous. Les défaillances viennent plutôt des caractéristiques de notre source de renseignements : nous ne pouvons entrer dans le serveur d’Ellis Island qu’à partir d’un nom, il faut donc déjà proposer  un nom, mais il faut aussi que l’enregistrement - effectué au départ - ait été fait sans faute de transcription pour qu’il soit reconnu. Or les fautes sont fréquentes et bien des immigrants ont pu être retrouvés sur un bateau tandis que l’ordinateur ne le reconnaissait pas tant l’orthographe en avait été tordue. 


Ainsi notre  liste n’est donc pas exhaustive - que ceux qui n’y ont pas retrouvé les leurs nous pardonnent  - mais elle représente beaucoup plus qu’un sondage et elle n’est pas close. Les listes étaient établies au départ, à l’enregistrement à la gare maritime du Havre, sous la responsabilité du commandant du bateau ; mais les rubriques  à remplir variaient  selon la préoccupation du moment des autorités américaines. L’inscription ne dispensait du reste, à l’arrivée, ni des formalités administratives ni de la visite médicale. A partir de ces listes nous avons pu identifier trois zones de départ de France précisément vers la Californie: les Alpes du sud, sans doute dans le sillage des «Barcelonnettes» du Mexique puisque la Californie a été terre mexicaine jusqu’en 1850, la partie ouest du Piedmont Pyrénéen et surtout cette zone à cheval sur le Quercy et le Rouergue qui nous intéresse ici ; car si nous nous sommes limités aux départs des communes contigües du sud du Lot et du Tarn et Garonne  nous avons pu vite observer qu’il y avait sur les mêmes bateaux de nombreux Decazevillois. Il s’agit de manière visible d’une proximité qui ne relève pas du hasard, des liens de parenté sont souvent évidents. 


Finalement on peut cerner une zone d’émigration qui forme un croissant qui va de Cahors à Decazeville en passant par Septfonds et Caylus. Elle n’a aucun rapport avec les limites administratives communales ou départementales qu’elle chevauche ; on ne peut pas dire qu’elle coïncide avec un type de terroir, de richesses «naturelles» : un peu de Causse, un peu de terrefort un soupçon de Ségala et, si l’on en croît la rubrique de la somme en dollars possédée dont la déclaration est obligatoire, pas nécessairement  des «sans-le-sou», surtout si on se souvient qu’avant 1914 la monnaie est basée sur l’or ; Intuitivement nous sommes amenés à risquer une sorte d’hypothèse générale que nous formulons de la manière suivante : au commencement quelques personnes sont parties, parfois très tôt dans le 19ème siècle, sans doute avant que la Californie cesse d’être mexicaine,  dans le sillage d’une «colonisation» aveyronnaise bien étudiée par ailleurs.


Plus tard ils ont peut-être pour certains, été attirés par la ruée vers l’or de 1848-1850 mais surtout par les services –hôtellerie, blanchisserie, notamment - qu’elle a suscités, enfin, ils ont accueillis ceux qui avaient conservé des liens de famille ou d’amitié avec eux ou leurs proches. Tous les arrivants peuvent donner l’adresse d’un parent ou d’un ami venu de la même zone et qui les a précédés. Ceux-là pourquoi sont-ils partis ? C’est très difficile de quitter sa famille, ses amis, ses appuis, ses habitudes ; il faut avoir à la fois des raisons de partir mais aussi de solides raisons d’espérer.  Pour les premières –laissons de côté des raisons très personnelles qui ne peuvent faire loi - qu’on peut regrouper sous la rubrique «nécessité» elles sont  nombreuses.  On pense naturellement d’abord à la pression démographique, à la pression économique, à la combinaison des deux. Si on considère la commune de Saillac c’est à la veille du Second Empire que la population a été la plus nombreuse. Les maisons en témoignent encore soit par la date sur le linteau (mais il faut faire attention, c’est parfois un linteau récupéré) soit par des signes de partage intérieur. 


Jusqu’aux années 50 trois générations s’entassent. Le partage est difficile : on connaît un acte de notaire ou il est prévu que si c’est nécessaire la petite chambre du pigeonnier (lou crambet) pourra être donnée ou même vendue à part en perçant une porte dans le mur du bolet. Ce sont des maisons magnifiques grandes dehors et petites dedans, surpeuplées toujours. A côté de cette maison quercynoise tant prisée ces dernières année il y a une multitude de petites maisons de plain-pied qui juxtaposent la cuisine, une chambre et une petite grange à moutons et qui ont abrité parfois des familles nombreuses. On peut estimer qu’on retrouve ce type de maisons dans toute la zone d’émigration, ou presque, même en dehors du Quercy proprement dit vers Villefranche-de-Rouergue, contact de tous les terroirs évoqués, et qu’il constitue la base et la preuve, si besoin est, d’un mode de vie commun. En outre dans toutes ces maisons et toutes générations  confondues on parlait la même langue qui n’était pas le français (et on peut se demander pendant combien de temps elle a survécu à l’expatriation), on y suivait les mêmes rites sociaux et familiaux et on sait qu’il est extrêmement difficile de renoncer à tout ce que l’on apprend dès l’enfance ; il existe donc une vraie communauté culturelle dans le croissant d’émigration que nous avons dessiné. 


Cependant rien n’y prédisposait à l’exil volontaire même si aujourd’hui  cette promiscuité dans les familles nous paraît intolérable elle ne peut évidemment pas justifier, ni expliquer, un départ aussi radical. Il faut que des faits plus brutaux soient intervenus. Surpeuplement des maisons, surpeuplement par rapport aux ressources. Jamblusse, par exemple, sur la commune de Saillac, correspond à une zone traditionnelle de polyculture du Causse de Limogne : des céréales, quelques chèvres et quelques moutons, des bœufs parfois pour labourer (on pouvait aussi les emprunter), le jardinage contre la maison, si possible un peu de «vallée sèche» où la terre est plus profonde pour cultiver le chanvre (le Canaval de jamblusse) textile indispensable alors. Les bois sont encore partagés par des murs qui fondent aujourd’hui sur eux-mêmes mais qui, construits avec les pierres que soulevaient les charrues lors des labours, témoignent de l’incroyable extension des espaces cultivés jusqu’au 20ème siècle. 


Le partage des terres au moment de l’héritage, le morcellement qu’il induit est le pendant du surpeuplement des maisons. Très tôt, du reste, on s’est organisé pour limiter le nombre d’héritiers, les enfants uniques, les fratries de 2 enfants étaient le modèle fréquent. Au  milieu du 19ème siècle,  signe de vitalité autant que de besoin,  on bâtit encore - les dates sur les granges et les hangars en témoignent -  et on échange. Chaque mois et parfois chaque semaine il y a des marchés importants à Limogne, à Bach, à Beauregard, à Saint-Projet, à Puylagarde ; Il y a aussi tout proche un centre d’échanges entre le Massif Central et le Quercy depuis l’époque de la royauté : Villefranche de Rouergue dont le rôle de «point rencontre» est peut-être crucial dans la question qui nous occupe. Il  y a dans les villages des artisans et un peu de commerce pour répondre aux besoins quotidiens : le forgeron, le cordonnier, le boulanger, le maçon (bien sûr tous sont aussi paysans) et trois activités spécifiques peuvent procurer du numéraire : la vente des  surplus (pour ceux qui en ont et les années où il y en a) de vin notamment  et de chanvre  - il existe à Cahors un marché et une industrie importante du chanvre - et l’emploi et les salaires que génère depuis peu l’exploitation des phosphatières sur le Causse de Limogne. 


Or à la fin du 19ème siècle l’Europe connaît une crise économique qui n’épargne pas la France. C’est une crise induite par les changements généraux de l’économie : techniques et productions nouvelles, nouveaux producteurs, promotion du libre échange, concurrence … Mais localement elle coïncide  avec des catastrophes particulières : la crise du phylloxéra qui ruine les vignes  du Quercy atteint vers 1876 (ce n’est qu’après la 1ère guerre que la nature bienveillante donnera la truffe en lieu et place du vin), l’arrêt de l’exploitation des phosphatières dix ans plus tard, la fin de l’industrie cadurcienne du chanvre. Le coton travaillé ailleurs remplace le chanvre, les phosphates naturels exploités ailleurs ou les engrais chimiques nouveaux s’imposent.  Le libre échange progresse et bénéficie des progrès rapides des transports. Ce sont des centaines d’emplois qui disparaissent  localement , des emplois qui complétaient les revenus de l’agriculture. Ce sont des centaines de familles qui sont mises en difficulté. On voit bien sur la courbe de la population du Lot et de Saillac l’effondrement qui pour le département est stoppé dans les années 50 et pour Saillac ne s’arrêtera  qu’avec les années 80 mais dans les  deux cas à un niveau très faible. 


En fait cette baisse est le résultat de deux mouvements qui agissent dans le même sens: la démographie française stagne et au moment où se développe l’émigration locale vers l’Amérique la France devient paradoxalement une terre d’immigration, c’est même le seul pays d’immigration en Europe.  Les étrangers affluent dans les mines françaises à Decazeville par exemple, et dans l’agriculture de la vallée de la Garonne. S’il y a un surpeuplement relatif ici il aurait pu trouver  un exutoire en France même où, ce qui est nouveau, dans la colonisation organisée de l’Algérie. Cela s’est vu.  Mais on voit bien la courbe de Saillac  s’infléchir brusquement  à partir des années 1880 moment qui coïncide avec les départs vers la Californie.  Ainsi à l’exode rural s’ajoute l’émigration internationale et tous les déficits démographiques qui en découlent. Au demeurant les formidables progrès des transports servent l’opportunité. Comment ne pas remarquer que la gare de Cahors et le premier transcontinental américain ont été inaugurés la même année ? La contribution des départs vers l’Amérique est bien visible à partir de la fin des années 1880. Les tout premiers partis nous échappent mais l’examen des enregistrements aux Havre et à Ellis Island nous instruit : Saillac et Beauregard fournissent avant 1900 les contingents les plus importants. Regardons de plus près la période 1892-1924 dont on rappelle que tous s’accordent à dire qu’elle correspond à la grande vague de départs. La recherche au musée d’Ellis Island permet de produire un tableau. Ces données sont plus éloquentes sur le graphique suivant : (Les communes où les chiffres se ramènent à quelques unités ont été regroupées dans la rubrique «autres»)


La rubrique «incertaine» regroupe ceux qui, entrés avant que l’origine précise soit demandée, ont un nom fréquent dans notre région mais ont été enregistrés seulement comme venant de France. Quand le lieu du domicile a été précisé on peut  observer que deux communes prennent  le départ avant les autres Saillac et Beauregard d’abord, Saillagol et Caylus ensuite. Cet élan ne s’est pas ralenti dans les années qui suivent  et on voit notamment Saint-Projet prendre le relais. Après la guerre les départs apparaissent comme un écho de la période précédente mais il n’y a plus de départs massifs. On s’est demandé si l’immigration aux Etats-Unis avait le même rythme, c’est-à-dire si les arrivées du Quercy s’inscrivaient  dans un mouvement général. Sur les bateaux, à la lecture des listes de passagers c’est un peu l’impression que l’on a : les «gens de chez nous» sont noyés dans une marée d’abord anglo- saxonne puis  au début du 20ème siècle dans les milliers de migrants sortis de l’empire austro-Hongrois, suivis de ceux qu’envoie la zone méditerranéenne.  


Pourtant ce qui est juste sur tel bateau venu d’Europe ne répond pas à une loi générale comme en témoigne la courbe suivante (source : Histoire des Etats-Unis. Franck L. Schoel, petite Bibliothèque Payot, 1965) En particulier on voit bien que l’élan des départs de chez nous, au début du 20ème siècle, correspond au contraire à une baisse considérable des entrées légales. Il est vrai qu’en Europe l’économie est alors repartie mais il faut surtout bien tenir compte des restrictions à l’immigration aux E.U introduites par la législation américaine. C’est ainsi qu’à  partir de 1882 les Etats-Unis bloquent les entrées des Chinois. Ils étaient venus très nombreux sur les chantiers de construction des voies de Chemin de fer par exemple et en 1851, au moment où San Francisco est devenue une ville des Etats-Unis, ils étaient plus de 3000 déjà dans les services particulièrement l’hôtellerie, la restauration, la blanchisserie toutes spécialités qui ont aussi été celles de beaucoup de nos «auvergnats». Les Chinois sont désormais  indésirables et  le territoire leur est interdit définitivement en 1902. Le moment est donc venu d’avancer une 2ème hypothèse dont les fondements sont les suivants : une mention sur les registres attire l’attention : l’adresse finale déclinée de manière obligatoire. Les autorités américaines se méfient et ne veulent pas voir grossir le nombre des indigents déjà nombreux, il faut donc fournir ce qui est l’équivalent aujourd’hui d’un certificat d’hébergement. On trouve quelques rues qui reviennent sans cesse : Pine Street, Bush Street, Broadway Street… les arrivants du Quercy vivaient groupés. La 1ère qui a attiré notre  attention leur est perpendiculaire. Stockton Street et précisément  le n° 815, fourni  un grand nombre de fois dans la période précoce. Lorsqu’on regarde le plan actuel de San Francisco on constate que Stockton Street existe toujours. On peut même appeler son nom directement sur internet et on obtient: «it begins at Market Street passing Union Square and  runs  through China town  and North Beach and ends at Beach Street near Peer 39» Pour autant que l’on sache ce quartier a très tôt constitué un Chinatown contigu au port. La rue est aujourd’hui une avenue très passante, très active, commerçante… Il n’est pas interdit d’imaginer que les Français avaient trouvé dès le 19ème siècle du travail dans des entreprises chinoises – notamment les blanchisseries - alors que le travail s’effectuait à la force des bras, demandait beaucoup de main d’œuvre tandis que précisément les lois qui bridaient l’immigration chinoise donnaient du prix à celle qui venait d’Europe. 


Plus tard, bien intégrés, ils ont pu créer leur propre établissement ; on les retrouve donc outre dans l’agriculture - peut-être la viticulture qui faisait partie de leur savoir faire - dans la blanchisserie, la restauration le commerce des boissons notamment… comme les «Auvergnats» de Paris. Ainsi s’explique logiquement l’appartenance des Quercynois, des Aveyronnais expatriés à cette communauté . C’est peut-être à partir de  Paris que la filière s’est constituée, puis elle se serait nourrie des parents, alliés et connaissances venus plus tard du Pays. On peut  rêver à un 815 :   hôtel garni tenu par un de ces «auvergnats»  parfois venus de Paris, non pas un démuni mais au contraire un expert dans sa branche muni d’un capital ; où les nouveaux venus retrouvaient un  cousin, un ami de  la famille  avec lequel on pouvait parler  patois, et vivre un peu comme à la maison… des pistes pour une embauche…chacun a la voie libre pour imaginer… On peut même penser – pourquoi pas ? - à quelque «marchand de sommeil» peu scrupuleux et avide comme il en existe aujourd’hui dans nos grandes villes. 


Déjà ce point de départ peut fournir une explication à l’inévitable variété des réussites et des échecs individuels. Toutes les hypothèses peuvent être envisagées et seuls des témoignages découverts dans les greniers pourraient les départager. C’est en passant par le communautarisme que des exilés peuvent trouver la ressource pour s’intégrer. On songe à la permanence à Paris, justement, d’associations d’Aveyronnais qui ont maintenu longtemps le mode de vie–travail, austérité, épargne, et solidarité - qui a préparé et installé leur réussite et on se dit qu’il a dû en être de même à San Francisco. On ne peut pas expliquer autrement  un fait troublant.  Le 18 avril 1906 la ville a été touchée par un terrible tremblement de terre suivi surtout d’un incendie ravageur. Elle a été détruite. Or nous ne connaissons aucun cas de retour au pays lié à cet évènement. La ville a été rebâtie. Les «Auvergnats» de San Francisco ont pris leur place dans cette reconstruction. Ceux qui sont rentrés l’ont fait volontairement ou contraints mais plus tard, beaucoup plus tard. Leur extraordinaire voyage,  leur intégration ou leur retour au pays, leur réussite ou leur échec,  c’est une autre histoire. Pour ceux qui sont restés, deux générations plus tard,  la trace de leur origine est pratiquement effacée. 

Les migrants - 1900

Séquences des studios Edison

L'arrivée et le débarquement du William Myers

le 9 juillet 1903.

Immigrants historiques vers le Nouveau Monde 

au 19esiècle et 20esiècle 

devenus symboles des États-Unis.

Le pont d'un navire arrivant à Ellis Island 

remplis d'émigrants. 

Photographie de presse. 

Agence Rol.

Salles d'examen sanitaire

Emigrants arrivant à New-York

Emigrants arrivant à New-York

Emigrants arrivant à New-York

«Un nouveau superbe clipper partant pour San Francisco», publicité pour le voyage vers la Californie publiée à New York dans les années 1850.

San Francisco 1850

San Francisco 1850

Je recherche ce graphique 

(note du webmaster)

Je recherche cette courbe

(note du webmaster)

 815, Stockton Street - San-Fransisco  

Un marchand de sommeil 

est une personne propriétaire 

d'un bien immobilier qui le loue par parties 

à des personnes en difficulté sociale. 

Les biens sont vétustes, insalubres, 

peu ou pas entretenus, 

et ont été divisés de manière 

à générer le plus de revenus possibles 

en maximisant le nombre de locataires.

Photo récente du  815, Stockton Street à San-Fransisco  dans le quartier chinois